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« 1000 personnes dans le bourg, 97 villages autour »

Lucile Garnier, octobre 2024

Mais qu’est-ce que c’est que la ville saillante ? En quoi est-ce heuristique d’aller la chercher et comment ? En reprenant nos vélos, Laurent repère un QR code sur un panneau : « Pas de train le soir ? Agissons ! » J’avais laissé passer cette trace et je comprends qu’il va falloir décupler mon attention. Est-ce une forme d’observation flottante ? Il s’agit de poser le regard sur des incongruités, questionner ce qui paraît ordinaire au premier regard et si contraindre, pas si facile.

On quitte le centre de Rezé et on se perd dans les premiers lotissements. Fait curieux, le GPS désoriente le géographe. On s’engage finalement dans la rue Émile Zola. Les maisons basses, les volets bleus, les tuiles oranges et les jardins fleuris offrent une ambiance qui s’apparente à ce qu’on ressent à Trentemoult : village de pêcheurs sans pêcheurs, pancartes d’ateliers créatifs et travaux de surélévations. Laurent note la récurrence d’une figure déjà croisée : le groupe de promeneurs âgés (chaussures de marche et bâtons). On avance jusqu’à la cité radieuse dont la façade abrupte et baignée soleil nous impose un arrêt pour faire des prises de vue. A notre gauche, quelques maisons murées et vidéo-surveillées, je me souviens de différentes occupations dans le secteur. Nous nous engageons dans des quartiers où s’entremêlent des petits collectifs intermédiaires de logements sociaux (maisonnées de 2-3 étages) ainsi qu’un jardin où cohabite plusieurs cabanes et caravanes (un hameau léger ?), jusqu’à atterrir au Chronographe puis à la mairie de Rezé. L’édifice me rappelle toujours le texte de Philippe Bataille dans La ville émergente, « Rezé : les figures de la centralité dans une ville de banlieue » (1997). La coupure entre la place de l’église et le centre commercial Atout Sud est renforcée par les travaux de la future ligne de tram.

Nous nous engageons entre la route de Pornic et le centre commercial sur un chemin cyclable encadré par des barbelés et des palissades en métal. A partir d’ici, le parcours devient compliqué : si ce n’est pas la proximité avec la route de Pornic qui tonne et nous rend vulnérable, ce sont les sentiers embourbés qui ralentissent notre avancée. Des ronds-points à trois voies (qui me rappellent le rond-point de l’Étoile route de Paris), encadrés par des enseignes franchisées de restauration rapide, font danser des camions chargés de gravats qui se suivent. En longeant par la voie rapide le quartier Haute-Île, on aperçoit entre les « boites à chaussures » de la zone d’activité un Paquebot de croisière arrêté sur le quai de déchargement de Cheviré, intrigant. Le bruit de la circulation des camions est assourdissant, c’est ça le métabolisme métropolitain in vivo ?

On s’engage dans les « spaghettis » de voiries. Le passage du périphérique est dangereux, seule frayeur du parcours. Nous respirons enfin en empruntant une piste cyclable qui nous emmène à Bouguenais. Sur notre route, un Jardiland (et son poulailler) vide (fermé ?). On traverse la commune par une « zone économique » plongée dans les arbres. Laurent remarque la présence d’une salle de fitness L’Orange Bleue, qui aurait le périurbain comme focale stratégique d’implantation, une des “transitions” en cours ? Est-ce qu’on ira jusqu’à se mettre à la musculation pour l’enquête ? Nous traversons un lotissement linéaire équipé d’un chaussidou, Lucie note que nous sommes arrivés en Vendée (les tuiles et les teintes oranges, beige ou crème des logements y est pour quelque chose). L’environnement défile comme un décor de film, sensation agréable à la vue de scènes de vies ordinaires : une femme sort de chez elle en peignoir pour discuter sur le pas de sa porte avec une voisine, deux hommes creusent une tranchée pour ce qui semble être une clôture maçonnée (j’imagine un père et son fils). Plus loin, un homme plus âgé balaye minutieusement le trottoir et la voirie devant sa maison. C’est en entrant à Bouguenais que nous distinguons le premier panneau « voisins vigilants ».

Nous traversons la route de Pornic par un pont qui offre un point de vue lointain : on distingue pour la première fois la voie de chemin de fer et tout près de nous, les carrières de sable de Lafarge d’où proviennent tous les camions aperçus plus avant (ces « matériaux ultimes » dont me parlait un enquêté ?). On fait le point entre nous, qu’en est-il de cette carrière au regard de Saint-Colomban ? On observe la route direction l’océan, un peu fascinés.

A la sortie de l’infrastructure, le paysage se fait d’un coup plus naturel, nous longeons des champs et des zones boisées tout en suivant la ligne de bus 88 depuis l’arrêt « Bel Endroit ». Nous rencontrons le premier troupeau de vaches à proximité d’un chantier de hangar agricole complètement recouvert de panneaux solaires, exactement à l’endroit du centre de formation automobile où j’ai passé mon permis de conduire et à l’entrée du campus Gustave Eiffel où se testent avec des machines hautes technologies toute sortes de prototypes d’ouvrages et de véhicules. Le long du champ où paraissent la vingtaine de vaches limousines, les lampadaires sont alimentés eux aussi par de petits panneaux solaires autonomes. Y-aura t-il bientôt ici des trottinettes électriques en libre service ?

L’heure tourne et le rythme s’accélère pour arriver à l’heure au restaurant « La café de la Gare » à Sainte-Pazanne. Nous traversons à plus vive allure la portion entre Bouguenais et Bouaye, « c’est roulant ». Nous retrouvons comme ailleurs, des friches agricoles et viticoles (des parcelles de vieilles vignes arrachées), des concessionnaires automobiles aux bâtiments flambants neufs qui brillent dans le décor, un crématorium, une succession d’aubettes de bus vides. Je note aussi un terrain avec une caravane, beaucoup de maisons en travaux et des déménagements en cours, un panneau déteins par le soleil « Stop aux nuisances Nantes Atlantique ». On s’arrête à un carrefour routier où je fais attention au premier cycliste que nous croisons qui ne soit pas un sportif. Le long de la route, un bâtiment décrépi où se trouvent des bureaux en rdc m’interpelle, un cadre de travail pas terrible (sur google maps en 2022, c’est un café-restaurant coloré « Le restaurant de la Noë », « repas de famille »). On distingue aussi des bâtisses anciennes remises en état, une stèle sur une maison indique « depuis 1852 ». Le champ le long de la route a été planté de fleurs de toutes les teintes, bucolique.

Les restes d’un pavillon de château rénové annoncent l’entrée dans la commune le rond point d’entrée dans Bouaye qui dessert aussi le Super U. Un détour par le lieu nous permet de voir qu’il est très fréquenté. L’entrée du centre commercial dispose d’une série de service : relai colis, distributeur, espace culture, photo et billetterie. La façade du centre commercial est ornée de deux blocs de machines à laver, qui remplacent les distributeurs de pizzas que l’on s’attendait à trouver. Un camion food-truck est aussi parqué à côté de l’entrée, La p’tite Thaïlande, qui propose des plats à 9€ ou des portions de nems et de samoussas autour de 1 à 2,50€. La fréquentation du lieu m’étonne pour un jeudi midi, des employés s’arrêtent pour manger ici en semaine ? Les premiers regards curieux se posent sur nous (le look, le vélo, les sacoches ?).

On trouve la gare de Bouaye en faisant un détour par des lotissements extrêmement propres où nous retrouvons des palmiers, des maisons grises et blanches à toit plats, mais aussi des bâtiments plus anciens et délaissés, « à vendre ». Le parking de la gare est neuf, récemment livré et soigneusement dessiné : les sols sont partiellement engazonnés (pavés entre lesquels poussent des petites herbes dans les joints), arbres fruitiers, bordures paysagères en acier corten et traverses de chemin de fer, etc. La gare en contrebas est aussi entourée d’une nappe de parking et de voitures impressionnantes, tout est plein. Sur le parking, des gendarmes accompagnent quelqu’un jusque dans le bus, leur présence laisse planer un doute étrange sur le parvis qui donne envie d’envisager une fiction. La gare est une maison de deux étages, angles et entourage de fenêtre en brique rouge. A côté d’elle, un parking couvert et sécurisé pour vélos et un distributeur de billets. Les deux lignes en partance de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et de Pornic passent ici. La salle de la gare est un espace vide, le guichet et fermé et des pancartes de papier donnent l’adresse d’un site internet sur lequel acheter ses billets ou se renseigner sur les retards. On y lit : “distributeur de billets régionaux situés à l’extérieur de la gare, paiement CB ou espèces ; internet www.ter.sncf.com/pays-de-la-loire ; Téléphone 0 800 210 800, du lundi au vendredi de 7h à 20h. Services et appels gratuits, paiement par CB. Recevez votre billet par SMS (jusqu’à 2h avant le départ) ou par voie postale (jusqu’à 5 jours)“. Il faudra un jour essayer de se faire envoyer mon billet par la poste.

En arrivant dans le centre de Bouaye, nous tombons sur le marché, belle surprise. C’est le parking de la médiathèque municipale décoré de photos de sport (vestiges des JO ?). Le style de la médiathèque est comme la salle des fêtes de mon village : menuiseries en acier coloré (teinte vert foncé mais ça marche aussi avec le rouge) et formes géométriques en diamant ou pyramide. On déambule entre les stands du marché, essentiellement fréquenté par des personnes âgées ce jour-là. Je cherche des producteurs locaux, on y trouve une certaine variété de produits : fruits et légumes, plantes et semis, vêtements, stand de pruneaux, comptoir de réparation et vente de téléphone, un stand de matelas et de fauteuils massants, un boulanger, etc. Je prends en photo les stands locaux, peut-être les retrouverai je ailleurs sur d’autres marchés ?

Direction Port-Saint-Père, en passant par la maison du lac. L’air se fait d’un coup plus humide, des panneaux « danger animaux » croisent notre route (on liste l’inscription de cerfs, sangliers et promeneurs). Nous passons au-dessus de l’Acheneau, très haute et large, paysage plat et superbe, silencieux. Trois pêcheurs rient de nous voir les regarder avec Lucie : « Eh, les filles venez nous voir ! ». Plus de marquages au sol, les voitures roulent vite sur un tronçon moins confortable pour les vélos. Je note la vue du premier adolescent en scooter qui nous double. On entre pleinement dans le marais, à droite et à gauche, des canaux, des barques, des zones humides. Panneaux « chasse interdite » et cabanes. Sur notre route, des maisons moins cossues dans les quelques petits hameaux que l’on traverse. La sociologie du territoire est plus modeste, ce que confirme Laurent. Je note un « lieu-mouvement », une cabane-aubette de bus en bois pour le ramassage scolaire. La route est parsemée d’éléments de pubs de producteurs locaux et d’affichages incongrus : la bâche de pub du SAUT’HAPPY (parc d’attraction itinérant) donne des frissons. Les ensembles résidentiels apparaissent aussi plus mixtes et populaires : un hangar agricole côtoie le jardin d’une maison sur lequel trône une cabane de jardin et un poulailler bricolé, une autre maison possède une cours prolongée par une série de clapiers.

On entre dans Port-Saint-Père par cette succession de villages, où se croisent maisons basses et petits hangars d’entreprises. L’entrée du bourg de la commune se fait le long d’une zone d’activité qui ne ressemble pas à celles que nous avons déjà croisé sur les autres transects : les locaux y apparaissent plus petits, moins récents, il y a un peu plus de présence humaine. C’est la zone d’activité « les Couetis le coin aux rats » (!).

Nous longeons des lotissements des années 90. A une intersection, un calvaire fleuri avec une statue grandiose du Christ. De l’autre côté de la route une statue de la vierge bien plus petite. Nous rattrapons alors une piste cyclable dont un panneau indique qu’elle a été financée par l’Union Européenne « liaison cyclable entre l’agglomération nantaise et le pays de Retz section Saint-Léger-les-Vignes Bourgneuf-en-Retz […] ce projet est cofinancé par le fonds européen de développement régional », fin des travaux en 2019. Le trajet à l’arrivée dans Saint-mars-de-Coutais nous amène à croiser une somme d’objets intéressants pour l’enquête. Sur le chemin vers le bourg, un panneau indique « le jardin des Nouettes » (un jardin collectif ?), juste à côté du comité des fêtes (le numéro de téléphone est affiché sur la façade), installé dans une ancienne jardinerie. La façade est une véranda à travers laquelle nous voyons entreposés du matériel et des décors de carnaval : chamboule-tout, panneau « chemin des papillons » ou « entrée festival ». Le lieu attire notre curiosité, c’est tout à fait un endroit vers lequel je me dirigerais si je devais enquêter ici. De l’autre côté des panneaux « terrain à vendre » trônent à côté de tableaux électriques. Plus loin, un « distributeur de pizzas fraîches 24h/24 et 7j/7 » enfin ! Paz’ pizza, pâte à pizza maison fabrication quotidienne, cuite en 3 min. Juste après « le petit local » épicerie vrac, etc… La façade indique « vente de produits locaux », juste à côté de la poste. Le bâtiment a l’air d’être un ancien équipement public ou agence bancaire… On s’arrête devant un petit moment, enfin « les transitions » que nous cherchions ? Un homme nous salue en revenant vers sa voiture et engage la conversation avec Laurent. Il n’est pas capable de nous dire ce qu’il y avait avant ce magasin mais c’est bien ici. La viande il préfère toutefois l’acheter à Intermarché, c’est un boucher qui tient le rayon, il connaît les prix. Il n’aime pas trop la viande sous vide. Il nous demande ce que nous faisons à vélo. Lui aussi il a l’air de bien aimer pédaler, jusqu’à Pornic ça lui ait arrivé, en vélo électrique avec son fils. Y’a des choses à faire par ici, le lac, les marais : « Port-Saint-Père, c’est 1000 personnes dans le bourg et 97 villages autour ! ». A côté, l’agence postale. Ça a l’air d’être un hot-spot de la vie locale. Dans le bourg trône des décorations roses, des fanions. Je comprendrais plus tard qu’il s’agit d’une action de l’association ALAC pour Octobre Rose, animée principalement par des femmes qui souhaitent proposer des activités en tous genre (danse, création, etc.). Plus loin dans le bourg tout calme et propre, seul Le Saint Mars « bar et jeux » semble être ouvert et animé. Sur la façade on y trouve tous les attributs d’un PMU : logos FDJ et PMU, cave à bière, café à emporter, des tonneaux et chaises hautes constituent la terrasse.

En descendant la rue, nous rattrapons les bords du Tenu puis la gare Port-Saint-Père/Saint-Mars. C’est désormais Aléop (la Région). Il s’agit d’une voie ferrée unique, il n’y a sur le quai que des lampadaires et un simple abribus. Absence de distributeurs de billets, seuls deux abris à vélos non sécurisés, des plaines d’herbes et un grand parking, pas vraiment plein. Les mêmes affichages ici qu’à la gare de Bouaye redirige les passagers vers les différentes plateformes numériques de réservations à la place de l’encart « Info Trafic », ainsi que les horaires de la ligne.

Nous repartons pour le dernier tronçon : Port-Saint-Père > Sainte-Pazanne en empruntant des routes qui se font de plus en plus petites. Nous ne croisons presque aucun véhicules, plus de marquages au sol, deux voitures peuvent difficilement se croiser (je pense à la capillarité des réseaux de voirie). Après quelques hameaux, nous traversons des zones boisées et agricoles en étant de plus en plus isolés, le paysage me fait penser aux routes de la ZAD, jusqu’à ce que Laurent nous indique que nous longeons le revers du zoo Planète Sauvage. Seules des perruches dans les arbres et les cailloux d’un enclos à girafes qui dépassent du mur d’enceinte nous l’indique. Nos discussions dévient sur l’ancien parc Bamboula, ouvert de 1992 à 1994, indignité. Avec Lucie nous parlons de ses missions à l’agence d’urba, les stratégies commerciales des collectivités du département. Nous croisons sur ces routes le premier tracteur, dont nous suivons les traces de terres depuis un moment, mais aussi un château d’eau, des cyclistes sportifs mais aussi le premier passage d’un train sur un passage à niveau. Provient-il de Saint-Gilles ou de Pornic ? Lucie réussi à en faire un cliché. Les hameaux sont de plus en plus mixte avec des fermes et exploitations agricoles. La piste cyclable nous emmène sur un chemin de terre le long de champ de vaches sur lesquelles sont posés des oiseaux blancs, des hérons garde-boeufs, qui s’envolent à notre arrivée.

Nous entrons rapidement dans le bourg de Sainte-Pazanne, en passant par un autre « rond-point du Super U ». Le dit giratoire indique nombre d’informations : équipements publics, L’Aquaretz, cabinets dentaires et autres enseignes commerciales de proximité (magasin bio à la ferme Au jardin Bioretz, magasin d’ameublement Boizanne Inside, etc.), mais aussi les cartons de publicité du Mickey Circus présents dans la commune les 5 et 6 octobre. La bibliothèque et le centre musical sont en chantier. Nous traversons rapidement le bourg pour retrouver le restaurant qui nous attend. Nous croisons quelques bars, des grandes battisses vides dans le centre ville, une église plutôt immense pour la taille de la commune, la jardinerie Terrena Pro qui vend des volailles vivantes et du béton. On arrive au passage à niveau et repérons le restaurant, cette section du bourg est composé de toutes petites maisons basses. Pas loin, le comité des fêtes et la salle de billard. Pas de places pour les vélos sur le parvis de la gare mais ça passe dans le garage à scooters. La gare est en travaux et autour, des opérations de constructions de logements sociaux neufs (résidence le Chauchy-Habitat jeune Atlantique).

Nous avons pile 1h pour manger et prendre le train retour. En entrant dans le restaurant nous découvrons une salle remplie de monde. Il y fait chaud, ça parle fort, c’est très masculin, un restaurant ouvrier rempli de travailleurs en pantalon de chantier. Des familles, des travailleurs seuls à table, des tablées remplies d’homme, deux serveuses d’une cinquantaine d’années très sympathiques et organisées, des piliers de comptoirs qui parlent longuement avec la serveuse et commandent des menthes pastilles d’affilées. On reste plantés comme des benêts à attendre que quelqu’un nous place, un long moment, le temps que tout le monde nous dévisage avec nos têtes d’intellos. On prend les devants et nous installons sur une table réservée, il n’en reste plus beaucoup de disponibles. On comprend aussi tardivement que les entrées c’est un buffet libre service, les plats, une blanquette et une bavette. Des desserts de mousses au chocolat et entremets à la fraise, des cafés et nous sommes repus. Le restaurant nous fait une facture (très sympa depuis le début sur cette organisation en bon de commande). Durant le repas, un homme entre par la porte de la cours et fait un scandale devant toute la salle : « C’est toi qui a garé ta voiture devant mon garage ?! T’as intérêt à la bouger !! ». La salle se glace 3 seconde, dévisageant le jeune adulte fautif qui rechigne à se lever pour régler le conflit. Puis le brouhaha reprend son cours. J’ai une vue sur les cuisines où s’agitent un apprenti et un cuisinier plus âgé, nous sommes en plein coup de feu, mais le service est impeccable, la serveuse ne semble jamais débordée, des années d’expérience pour gérer autant de couverts aussi sereinement.

Direction la gare pour rejoindre Nantes en train. Laurent note que le lotissement qui nous fait face est celui qu’à documenté Emmanuel Pinard il y a 10 ans. Lucie a des problèmes pour acheter son billet sur la machine, à côté la « station pick-up » Amazon (qui apparemment portent des noms, celle-ci s’appelle Marmotte, c’est un dispositif pour rendre ces infrastructures plus sympathiques ?). Moi je veux prendre mon billet sur le site qui fait apparaître que le train est annulé. Écran noir sur le quai, aucun des voyageurs présents n’est au courant. Laurent file demander aux contrôleurs tapis dans leurs bureaux qui confirment que oui, le prochain train ne passe que dans une heure : « mais personne ne viendrait te voir pour t’informer c’est incroyable ! ». Seul un QR code sur un lampadaire nous permet d’accéder à un fil d’information sur le trafic de la ligne. On décide de se répartir pour arpenter le bourg encore, le temps d’attendre. Avec Lucie nous discutons de la thèse et de nos parcours respectifs, en faisant le tour du centre par la « ceinture verte », entre les lotissements récents et le bâtis anciens de la commune. On tombe sur une friche agricole immense, en plein centre ville, une halle en métal complètement délaissée. Des recherches font apparaître que ce secteur est un enjeu central pour la commune. De retour vers la gare, encore 30 min de retard. Je décide de me concentrer sur le livre d’Elisabeth Pasquier pour ne pas paniquer d’être en retard sur mon travail. Pendant ce temps, une femme s’exclame à tout le train qu’elle est en train de louper son entretien d’embauche pour un poste dans une société de dératisation. Sous les mots de La Passagère du TER, je traverse le paysage dépeint dans le train 10 ans plus tôt, tout en jetant des regards à la fenêtre de celui qui me ramène à Nantes plus rapidement que je ne le pensais.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lucile Garnier (12 novembre 2024). « 1000 personnes dans le bourg, 97 villages autour ». Les écritures du périurbain. Consulté le 19 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12nlk


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